Borom Belel

Oeuvre de Serigne Abdoul Ahad MBACKE

En bon agriculteur Il manie bien les instruments aratoires dans les champs. Sa productivité fut telle que dans ses exploitations de Touba Bélel, de Bokk Barga, de Kadd Balooji, de Mbaran Dieng, il a gagné les galons de premier agriculteur.
Il a exercé le métier de commerçant, cependant sans jamais encaisser de ses clients plus qu’il ne lui est du. Il a même tâté du transport en commun. Il n’hésitait à s’impliquer dans tous les travaux afin e s’assurer des revenus licites au point de vue de l’Islam.

En effet, c’est un parfait inconnu du grand public qui accéda aux hautes fonctions de Grand Timonier de la communauté mouride quand, le 6 août 1968 Serigne Fallou rejoignit son Maître bien aimé au Paradis. La Communauté en particulier et le monde en général découvre un homme droit, honnête, ennemi irréductible du mensonge, de la duplicité et de l’hypocrisie. Sa rigueur inflexible le conduit très vite à mettre sur les rails un train de réformes de fond dont les résultats ne tardèrent pas à donner au Mouridisme un nouveau visage, tout de rectitude empreint. 

Dès son avènement, Serigne Abdoul Ahad donne le ton. Il a d’emblée déclaré qu’à ses contemporains, il servirait de témoin, ici-bas et dans l’au-delà, à condition qu’ils s’enracinent dans la vérité et le service de Cheikh Ahmadou BAMBA ; en conséquence, que ceux qui emprunteront les voies tortueuses des faux-semblants sachent qu’ils n’ont rien à voir avec lui, qui qu’ils puissent être.

Ainsi, on a pu voir Baye Lahat mettre fin et de façon énergique aux sévices de ces  » conférenciers publics  » appelés  » diwaan kat « . Ces marchands d’illusion fondaient leur subsistance sur l’exploitation de la crédulité populaire. Par leur discours pernicieux, ils forçaient la générosité du talibé moyen en lui faisant miroiter l’accès facile au Paradis même s’il ne se conforme pas aux principes de l’Islam, pourvu seulement qu’on fasse acte d’allégeance à Serigne Touba. A l’évidence Serigne Abdoul Ahad ne pouvait permettre que puisse prospérer une telle supercherie, au demeurant très préjudiciable à l’image du Mouridisme et de la Communauté elle-même.

On comprend que tous ses discours soient l’occasion de réaffirmer au passage, haut et fort, l’authenticité du message de Serigne Touba qui n’est autre que l’orthodoxie musulmane dans le sillage de l’Elu (P.S.L.) L’on n’est point surpris de la récurrence dans ces discours des références à la Vérité telles que le Coran les énonce. Nous nous souvenons par exemple que, pour rétablir l’ordre à propos de l’utilisation qui était faite par certains de la Grande Mosquée, sa base argumentaire a été cette citation du Coran :  » Wa xul jaacal haqu wa za haqal baatilu innal baatila kaana za huqan.  » : La vérité et le mensonge ne sauraient cohabiter.

En multipliant les daaras, il a contribué à accentuer l’orientation de la communauté vers l’étude, la recherche de la connaissance car c’est seulement à cette condition qu’on peut rendre à Dieu le culte qui lui est du. Et, dans son esprit, Il l’a clairement dit dans un de ses sermons, la connaissance ne peut profiter qu’à ceux qui ont,  » chevillé au corps « , l’amour de la vérité, pour la seule face de Dieu. Par exemple, le musulman, cinq fois par jour au moins, se tourne vers l’est pour les besoins des prières obligatoires. Cela présuppose qu’il reconnaît que Dieu est Un et qu’Il est seul maître de la création, que Muhammad (P.S.L.) est le sceau des Prophètes et, qu’inéluctablement, le jour du jugement dernier arrivera. Cela est d’ailleurs la quintessence de la profession de foi que le musulman énonce au moins deux fois dans le  » taya  » au cours de chaque prière :  » wa ash hadu ana lazi jaaca bihi Mouhamadan haqun wa anal janata haqun wa ana naara haqun wa ana siraata haqun wa ana saahata aatiyatun la rayba fihaa wa ana laaha yab ha su man fil xuboori  » : J’atteste que le Message du Prophète Muhammad (P.S.L.) est véridique, que le Paradis est véridique, que l’enfer est véridique, que  » Siraat  » est véridique, que le Jugement dernier aura lieu sans nul doute.

Fort de cette conviction, Serigne Abdoul Ahad, chaque fois qu’il en a l’occasion, invite les musulmans à se souvenir de cette profession de foi qui ne doit pas seulement rester au stade de formule proférée par la langue mais intégrée dans le vécu quotidien. Que nos actions, nos paroles, nos intentions, tout comme nos vœux pour notre prochain soient illuminés de la lumière de la Vérité pure car viendra un jour où tout le monde rendra compte.

Une autre facette de la riche personnalité de Baya Lahat est, en parfait conformité avec les enseignements de Cheikh Ahmadou BAMBA, son parfait ancrage dans les valeurs du terroir, du moins dans ceux de leurs aspects qui ne heurtent pas l’Islam. Ainsi, sans exagérer, on peut souligner sa grande fierté à appartenir à l’espace culturel négro musulman. Le Coran a établi qu’en Islam, la seule hiérarchisation des hommes qui vaille se définit comme une fonction directe de la crainte révérencielle de Dieu, à l’exclusion de tout autre critère, surtout ceux tenant à la race, à la naissance, à la fortune ou au rang social. Ceux des hommes qui sont considérés comme étant les meilleurs sont ceux qui se signalent par la profondeur de leur respect des principes énoncés par Dieu. Dès lors Cheikh Abdoul Ahad, nous enseigne que nul complexe d’infériorité ne doit nous habiter face à l’Arabe sous le prétexte que l’Islam a été révélé aux hommes dans sa terre et que sa liturgie s’exprime dans sa langue ; le blanc ne nous est pas supérieur et nous nous garderons bien d’imiter ses valeurs de civilisation, par bien de leurs aspects, sont incompatibles avec notre foi.

Considérons donc, toujours selon Serigne Abdoul Ahad, que nous sommes des négro africains qui s’assument fièrement tels qu’il a plu à Dieu de les créer. Nous pratiquons sans aucun complexe l’Islam qui est un message universel qu’aucun peuple ne peut s’approprier de l’exposé et le pouvoir de persuasion. Leur base argumentaire est invariablement le Coran, les Hadiths, les Qaçaïds. Comme Serigne Abdoul Ahad maîtrise à merveille les subtilités de la langue wolof et que son génie est amplement nourri par la sève de la sagesse du terroir (Cayor et Baol) et le bon sens paysan, c’était un réel plaisir d’entendre parler ce monument de l’éloquence.

Ce n’est donc pas surprenant que ces sermons aient été rassemblés, classés par centre d’intérêt, transcrits et traduits pour les besoins de leur édition sous forme de recueils, en vue de leur publication. On peut, à coup sûr, y trouver réponse à toute forme d’interrogation pour conduire sa vie de talibé. Parlez à un mouride et il y a de fortes chances que, pour étayer son argumentaire, il cite des extraits de sermon de Serigne Abdoul Ahad. L’on est frappé par la pertinence, l’à propos, la portée et la force de persuasion de ces succulents discours qui, rappelons-le, ont pour dénominateur commun l’expression sans aucune complaisance, dans la plus pure langue wolof, de toute la force, de toute la vérité du Coran.

Encore aujourd’hui, c’est avec une émotion indicible que nous évoquons la sympathique silhouette de Cheikh Abdoul Ahad, invariablement habillé d’un superbe  » baye lahat  » taillé dans du tissu basin, la tête emmitouflé dans un épais turban fait de la même étoffe et les yeux protégés par d’élégantes lunettes noires. 


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